USA! USA!

Les élections de 2016 pour la présidence américaine ont commencé il y a quelques jours. Et face au dilemme Hillary - Trump, on entend de plus en plus de gens, déconcertés, se dire: « mais ils n’ont qu’à choisir un autre candidat bon sang ! ». Mais la réalité est-elle si simple? Est-elle vraiment si simple?

Cet article est une republication de l’article original publié sur la version antérieure de Lexxika.com.
Il n’est donc plus d’actualité, mais vous pouvez y trouver des réflexions et des points de Droits qui restent encore valides et pertinents.

 

Une fois n’est pas coutume, je vous propose de nous envoler loin des vicissitudes de la vie juridique malgache pour visiter, le temps d’une élection, celle …. mmm quelle élection importante qui se déroule en ce moment pourrait bien intéresser un pays comme Madagascar ? … des États-Unis bien sûr !

Je pourrais fournir toutes sortes d’excuses pour justifier cette petite escapade de l’objectif du site qui est, encore une fois, de se consacrer au droit et aux juristes malgaches. On pourrait notamment soutenir que les élections présidentielles américaines ont un impact dans le monde entier, que la posture du futur occupant du bureau ovale en ce qui concerne les relations internationales va influencer la position des ambassadeurs et bla et bla. Mais avouons-le, c’est simplement parce que l’élection de cette année est passionnante.

J’ai eu l’occasion de suivre de près cette élection depuis les primaires de chaque grand parti. Et bien que les rebondissements d’ordre politique soient la raison qui a rendu cette élection si fascinante((bon, ne nous cachons pas, c’est juste parce qu’il y a le Trump)), nous faisons du Droit et non de la politique. En conséquence, ce que je vous propose, c’est non pas les habituelles critiques sur Hillary et Trump, mais quelque chose de bien plus utile pour la suite de l’élection : nous initier au système électoral américain qui nous échappe encore; nous, pauvres simplets qui recourons au scrutin direct. Enfin aurons-nous peut-être la réponse à la question que tout analyste politique du dimanche((et je m’y inclus)) soulève triomphalement « mais pourquoi qu’ils votent pas pour un autre tout simplement ? ». Ahhh ! Ces simplets qui recourent au scrutin direct((encore un fois, je m’y inclus))…

Un peu d’histoire

Il est faux de penser que les partis politiques aux USA se résument aux Démocrates et aux Républicains. Il y a 6 partis en lice cette année sans compter les indépendants :

  • Le parti démocrate représenté par Hillary Clinton,
  • Le parti républicain représenté par Donald Trump,
  • Le parti libertarien représenté par Gary Johnson,
  • Le parti écologiste représenté par Jill Stein,
  • Le parti constitutionnel représenté par Darrell Castle,
  • L’American Delta Party et le Reform Party représentés par Rocky De la Fuente,
  • Les indépendants.

Pourquoi n’entendons-nous pas parler des autres ? Pour la même raison qu’en France, bien qu’existent le parti communiste, les écologistes, le MoDem, le Front national et j’en passe, le dernier tour se résume finalement à un choix entre la Droite et la Gauche((peu importe leur nom du moment)). C’est également pour la raison qui fait que même s’il existe un parti Vert à Madagascar, vous voterez pour le tenant du pouvoir en place ou le parti principal d’opposition. Sauf si vous êtes un hippie, auquel cas vous voterez pour une tierce personne qui n’a aucune chance de gagner ou un vote blanc de protestation. Bravo, belle utilisation de votre voix((pour mes amis hippies quelque peu susceptibles, c’était tout autant de la méchanceté gratuite que de l’autodérision)) !

Puisque la politique se résume souvent à deux champions et encore plus aux US, il faut maintenant comprendre le principe du « gauche-droite » aux US. Si en France on pourrait le caricaturer à: bobo-hippies contre patrons-esclavagistes((mes excuses pour mes amis de droite et de gauche qui m’ont éduqué à la chose)), aux US, l’opposition gauche-droite servait tout simplement à désigner les partisans d’un État fédéral((État central)) fort contre les partisans de l’autonomie des États fédérés. Idéologiquement, c’est plus compliqué.

The GOP

Le Parti Républicain, créé en 1854, était le « gauchiste » à l’Européenne de l’époque. Il s’est notamment  illustré dans la lutte contre l’esclavagisme((Abraham Lincoln était le premier président élu sous l’égide du Parti républicain)), le droit des Afro-américains((les premiers membres afro-américains du Congrès l’ont été en tant que Républicains en 1868. Il a fallu attendre jusqu’en 1934 pour que les démocrates élisent les leurs.)) et le combat pour l’égalité des femmes((Jeanette Rankin, première femme élue au Congrès l’a été sous la bannière Républicain en 1917)). Il est difficile d’imaginer que le parti ayant nommé Trump comme étant son représentant est celui qui s’est illustré dans le combat pour les droits des « non-white people » et des femmes, Trump ne s’illustrant ni dans l’un ni dans l’autre, mais tel est le cas historique.

En fait, les Républicains n’ont commencé à « virer à droite » que vers 1929 à l’époque du Krach boursier. Les répercussions économiques du Krach étaient telles que les gouvernants en place et en ligne de mire le Président Herbert Clark Hoover, des Républicains, chutèrent en popularité et perdirent au fur et à mesure de la crise leurs bastions politiques : les grandes villes, la Maison-Blanche, le Congrès, les États fédérés, le vote des Afro-Américains, etc. Frankin Delano Roosevelt, un démocrate, succédera à Herbert Clark Hoover et laissera son empreinte dans l’histoire avec le succès que nous lui connaissons.

Affaibli et divisé, le Parti républicain se replie sur ses deux courants principaux : le conservatisme et le libéralisme((qui, à l’époque, n’étaient pas nécessairement incompatibles)). L’Histoire fait son petit bout de chemin et vers 1960, le parti va peu à peu se saisir des thèmes chers aux conservateurs d’aujourd’hui, notamment la méfiance vis-à-vis de l’État fédéral((favorisé par leur côté libéral)), la défense des valeurs familiales, l’interdiction de l’avortement, Jesus Christ Our Saviour, etc. Cette position s’est relativement stabilisée jusqu’à aujourd’hui avec l’avènement de Donald Trump qui marque peut-être un nouveau virage vers … un mélange d’extrême-droite à l’européenne((par rapport à la politique identitaire et l’isolationnisme)), et de libertarisme économique et social((qui sous couvert de liberté qui peut facilement signifier: « débrouillez-vous pour vous payer la sécurité sociale, il y a pleins d’assurances privées pour ça. Comment-ça c’est trop cher ? Vous n’avez qu’à gagner plus)).

Le Grand Ol’ Party survivra vraisemblablement à Trump s’il n’est pas élu, mais il me semble peu probable qu’ils ne soient pas obligés soit d’adoucir leur position s’ils veulent se faire pardonner de Trump auprès de l’électorat modéré, soit de prendre la porte de l’extrême-droite que Trump a entrouverte. Il semblerait après tout qu’une partie du public américain n’y soit pas entièrement insensible.

The DNC

Le Parti Démocrate, contrairement à ce qu’indique le nom de son concurrent, est plus vieux que le Grand Old Party. Bien qu’aujourd’hui, il soit le parti qui a fait élire le premier président noir et peut être la première présidente des US, il s’agit à l’origine d’un parti libéral qui prône la liberté des États fédérés face à l’État fédéral. Et bien que « libéral » sonne aujourd’hui comme « hippies », les libéraux d’hier indiquaient plutôt des positions conservatrices sur l’esclavagisme((l’esclave étant une propriété privée)) et la non-ingérence de l’État fédéral dans les affai
res de chacun. Cela a fait du Parti démocrate le parti des esclavagistes du Sud. Ce n’est que beaucoup plus tard, depuis Franklin D. Roosevelt qui a instauré l’idée d’un certain interventionnisme de l’État dans les affaires économiques et le rôle de l’État dans la protection des minorités, que le parti connait son idéologie actuelle.

Autrement dit, ne nous laissons pas avoir par les noms « droite, gauche, démocrate, républicain »,  seules les valeurs comptent et des Démocrates d’aujourd’hui sont les Républicains d’autrefois et vice-versa.

Maintenant que la politique Etatsunienne est plus claire, nous pouvons passer au Droit.

Un peu de droit constitutionnel

La base : les États-Unis, c’est un ensemble d’États qui se sont unis. Il s’agit d’une fédération d’États avec chacun leur propre histoire, culture, spécificités((le Texas est connu pour être le pays des armes à feu et des intégristes chrétiens, la Floride est considérée comme le « Hellhole » des US, le New Jersey est connu pour être… le New Jersey, etc.)) qui ont décidé de s’unir pour être plus fort. Et bien que s’« unir pour être plus fort » paraisse ridicule de nos jours, c’était plus justifié à l’époque de l’indépendance((vers 1770)) où les colonies britanniques de 13 différentes régions de l’Amérique du Nord se sont unies pour contrer la tyrannie de la Couronne qui avait augmenté l’imposition sur le thé et le sucre. Ça peut paraître ridicule encore une fois, mais le Thé c’est serious talk. Cela a mené vers la guerre d’indépendance des États-Unis. Actuellement, les USA se composent de 50 États fédérés((qui composent les 50 étoiles du drapeau)) lorsqu’ils n’étaient que 13 États((composant les bannières blanc et rouge)) tout au début.

Une fédération est un État composé de plusieurs États, appelés États fédérés, qui décident de se mettre ensemble selon les règles qu’ils définissent entre eux. D’une manière générale, les États fédérés gardent une certaine autonomie dans leur gestion interne, mais vont réserver certaines prérogatives à l’État central, appelé l’État fédéral. Ces prérogatives relèvent généralement de la défense extérieure, de la défense intérieure lorsqu’elle est considérée comme suffisamment grave pour nuire à l’État fédéral, de la diplomatie, et d’une manière générale, de toute question qui transcenderait suffisamment de frontières internes pour qu’une administration fédérale soit plus appropriée que la coopération des administrations locales.

Comme tout État est nécessairement composé d’un pouvoir exécutif, d’un pouvoir législatif et d’un pouvoir juridictionnel, on va retrouver ces institutions à chaque niveau de la Fédération.

L’État fédéral

L’État fédéral des US est dirigé par le Président des États-Unis qui est épaulé par le Vice-Président. Ce dernier va suppléer le Président qui viendrait à décéder au cours de son mandat((tel est le cas de Lyndon Johnson qui a succédé à JFK)) ou à démissionner ou à être révoqué par le Congrès((tel est le cas de Gérard Ford qui a succédé à Richard Nixon)).

L’État fédéral va également disposer d’un parlement appelé ici le « Congrès ». Celui-ci est bicaméral : il est divisé en deux chambres parlementaires.
D’un côté, le Sénat, qui représente les États fédérés. Les États fédérés sont à strict pied d’égalité devant la Constitution. C’est un principe important pour les Fédérations, car quel État voudrait rejoindre un regroupement dont les membres ne le considéreraient pas comme leur égal ? Ainsi, le Sénat est composé de 2 sénateurs par État fédéré, soit une totalité de 100 sénateurs. Il est présidé par le Vice-Président des États-Unis dans un rôle purement arbitral, sans droit de vote.
De l’autre côté, la Chambre des représentants ou « House of Representatives », composée de 435 membres, qui représente les citoyens de l’Union selon leur démographie hautement inégale. Ainsi, la Californie, État le plus dense des US avec plus de 37 millions d’habitants a droit à 53 représentants tandis que le Vermont, avec un peu plus de 600.000 habitants a droit à 1 représentant unique.  Contrairement au Sénat, la chambre est présidée par un membre élu en son sein dénommé non pas « Président », mais « The speaker » of the House. Celui-ci reste le représentant de son district.
Bien que le théoriquement, Sénateurs et Representatives sont chacun des membres du Congrès, le public américain parle souvent de « Senator » pour les Senateurs, et de «  Representative » ou « Congressman » pour les membres de la House of Representatives.

L’État fédéral dispose enfin d’un organe juridictionnel en la personne de la Cour suprême. La Cour Suprême n’a vocation à statuer que sur les problèmes qui intéressent la législation de l’État fédéral, à savoir, principalement la Constitution et parfois les lois fédérales. C’est pour cela que la peine de mort est légale dans certains États et interdite dans d’autres, ou encore, qu’à une époque, le mariage gay était autorisé dans certains États et non dans d’autres. Chaque État fédéré est législativement autonome jusqu’à ce que la Cour suprême décide, après saisine et toujours à travers la Constitution, d’en faire une affaire d’État((d’État fédéral, cela va sans dire)).

Les États fédérés

Chaque État fédéré va également disposer de l’ensemble des appareils classiques composant un État. Il dispose d’un pouvoir exécutif en la personne du « Gouverneur ». Bien qu’il s’agisse d’un État fédéré, un certain nombre de ces gouverneurs régissent sur des territoires plus larges et des populations plus importantes que le Président Malgache ; il ne faut donc pas minimiser le rôle du Gouverneur.

L’État fédéral va également disposer de son propre appareil législatif, dénommé globalement «State Legislature » qui suit généralement un régime bicaméral. Le State Legislature va donc voter les lois qui vont rester entre les 4 murs de l’État avec, comme garde-fou, la Cour suprême qui peut statuer sur la constitutionnalité de son travail.

Enfin, l’État fédéré dispose également de son appareil judiciaire propre avec comme degré ultime, encore une fois, la Cour Suprême de l’État fédéral.

 

Tout cela est bien compliqué, mais retenons cette particularité des États-Unis en ce sens qu’ils sont des États … unis.  Il est nécessaire de prendre cette réalité en compte dans le système électoral du représentant de l’État fédéral qu’est le Président. Il s’agit en conséquence de tenir compte, d’un côté, le principe d’égalité des États fédérés et, de l’autre côté, la démographie qui ne peut décemment pas permettre à un État de 500 000 habitants d’avoir le même poids qu’un État de 30 millions d’habitants. Il me semble que le Congrès avec le système bicaméral a bénéficié d’un système plutôt équilibré où les deux intérêts sont bien représentés. Il s’agit maintenant d’établir cette même égalité pour la nomination du pouvoir exécutif.

L’élection présidentielle

L’élection présidentielle américaine est complexe et cela est nécessaire. Maintenant que vous êtes aux faits de la démographie américaine et du principe d’égalité des États fédérés, imaginez que l’on élise le Président au suffrage universel direct ? Les grands États comme la Californie((37 000 000 habitants)), le Texas((25 000 000  habitants)) et New York((20 000 000 habitants et qui est non seulement une ville, mais également un État et dont la capitale n’est
pas New York, mais Albany)) vont jouer un rôle prédominant lors du scrutin tandis que les États comme le Vermont((600 000 habitants)), le Wyoming ((550 000 habitants)) ou encore les Dakotas((il y a un Dakota du Nord – 650 000 habitants – et un Dakota du Sud – 800 000 habitants)) auront un poids politique quasiment nul. Or ce serait contraire au principe de l’égalité des États fédérés.

Élire le Président sur le principe d’égalité aura l’effet inverse. Ce serait nier la réalité des grands États et donner proportionnellement plus de voix aux 600 000 Vermontois qu’aux 37 000 000 Californiens.

purple states

Purple america. Merci nifty.stanford.edu((http://nifty.stanford.edu/2014/wayne-purple-america/purple-america.html ))

Et un tel choix n’est pas sans incidence. Le Sud et le « Middle West » constituent des bastions Républicains impénétrables tandis que les grandes villes et les États populaires sont plus facilement marqués Démocrates((le ratio hippie/population est plus important dans les villes universitaires)). En conséquence, choisir le suffrage direct équivaudrait à grandement faciliter l’élection d’un président Démocrate et choisir l’égalité parfaite des États équivaudrait à élire automatiquement un président Républicain.

C’est ainsi qu’a été opté, dès la vénérable Constitution de 1787, la solution du Collège électoral accouplée à la règle prépondérante du « The winner take it all ».

Le collège électoral

Tout d’abord, chaque citoyen de chaque État va élire des « Grands électeurs » qui sont au nombre, pour chaque État, de l’ensemble de ses Representatives et de ses Senators, soit le total des Representatives + 2. Il y a en tout en tout 538 grands électeurs. La Californie aura donc droit à 55((53+2)) grands électeurs tandis que le Vermont aura droit à 3((2+1)) grands électeurs.

Ne faisons pas l’erreur d’associer les membres du Congrès aux grands électeurs, ils n’ont rien d’autre en commun que leur nombre. En effet, les Grands électeurs sont nommés par les partis politiques selon leur régime propre((mais ces nominations se déroulent principalement lors des conventions politiques d’États)) et ne peuvent être membres du Congrès.

college electoral

2016 Election Map: Here’s How Many Points Each State Gets in Electoral College. Merci mic.com

Ces Grands électeurs sont ensuite, normalement, tenus d’élire les candidats pour lesquels ils ont été élus. Ils ne sont donc que des intermédiaires entre les électeurs et les candidats. Notons toutefois qu’ils ne sont pas constitutionnellement obligés d’élire ces candidats. Il est arrivé à quelques reprises qu’un grand électeur élise un candidat tout autre ou bien qu’il s’abstienne de voter. Ils sont donc tenus à une certaine indépendance bien que ce type de comportement quelque peu « faithless » soit rare et découragé((jusqu’à l’instauration d’une pénalité)) par les partis.

« Tu as gagné, j’ai tout perdu »

« The winner take it all » est une règle de jeu électoral importante des élections américaines qui change tout et qui peut titiller le fervent démocrate((au sens de « partisan des systèmes démocratiques » et non « partisan du Parti Démocrate »)) que vous êtes. Cette règle veut que le vainqueur du scrutin dans un État remporte l’ensemble des grands électeurs de cet État. Il ne s’agit pas d’une règle fédérale, mais elle est appliquée par la majorité des États. Seuls deux, le Maine et le Nebraska, font exceptions à cette règle((en donnant deux votes aux vainqueur de l’État et un vote au vainqueur de chaque district)). Par exemple, à supposer que la Californie avec ses 55 grands électeurs soit divisée en 30 grands électeurs du côté des démocrates et 25 grands électeurs du côté des Républicains, l’ensemble des 55 voix iraient aux Démocrates pour la comptabilisation des voix de l’élection générale.

Et j’entends déjà certains râler. Est-ce un système « démocratique » que de taire les voix de la moitié de la population d’un État ? Qui sait. C’est un vieux débat. Ce dont il faut se rappeler, c’est qu’un vote plus populaire, sans l’application de la règle du « The Winner take it all »((si vous vous demandez pourquoi diable ces quelques mots titillent votre cerveau, jetez donc un coup d’œil à ce lien https://www.youtube.com/watch?v=92cwKCU8Z5c )) donnerait un avantage considérable aux États les plus peuplés et rendrait inutile les votes des petits États. L’absence de cette règle est donc susceptible de porter atteinte au principe d’égalité des États. De même, ces grands États étant plus facilement acquis à la cause Démocrate, l’élection relèverait de la ballade de santé pour le DNC.

Peut-on alors dire que le système actuel soit satisfaisant et permette de prendre en compte la réalité des voix du peuple américain ? Il ne me semble pas. Ce système fait d’ailleurs très régulièrement l’objet de critiques et près de 700 tentatives de réforme ou d’abrogation ont déjà été déposées auprès du Congrès((http://www.archives.gov/federal-register/electoral-college/faq.html )). Mais ce débat ne nous appartient pas.

Conséquences subtiles du « The winner take it all »

Que l’on soit partisan ou détracteur de ce système, on ne peut ignorer son rôle majeur dans le système bipartite des élections présidentielles américaines. Si les tiers partis politiques sont constamment ignorés aux US, c’est pour beaucoup à cause de cette règle. À supposer qu’un candidat minoritaire réussisse à engranger 3 ou 4 grands électeurs dans un État, ces voix ne seront pas prises en compte dans l’élection générale, car … the winner take it all. La conséquence est que seuls les candidats des deux grands partis peuvent espérer obtenir un résultat décisif. De même, à supposer qu’un État soit conquis par le candidat d’un tiers parti, la pratique voudra qu’un tel résultat ne fasse qu’affaiblir le candidat Démocrate, car, encore une fois, le Sud et le Middle West sont des bastions Républicains impénétrables.

Si vous êtes un fervent – et récent – amateur de la politique américaine, vous pourrez entendre ou lire de temps à autre ce genre de discours : « Si vous ne votez pas pour Hillary, en votant blanc ou en votant quelqu’un d’autre, alors votre voix ira à Trump ». Ce message((mais pas dans ces mots)) a notamment été prononcé par Michelle Obama ((http://www.politico.com/story/2016/09/michelle-obama-clinton-campaigning-228844)). Le fervent gardien de la démocratie universelle que vous êtes aurait pu s’indigner devant de tels propos ressemblant à un mensonge éhonté pour obtenir des voix crédules.

Toutefois, maintenant que le système électoral américain est plus clair, « si vous ne votez pas p
our Hillary, alors votre voix ira à Trump » n’est-il pas moins une menace qu’un rappel de la réalité du jeu ? En votant pour un outsider, on affaiblit l’un des champions((généralement Hillary pour l’élection de cette année)) et permet à l’autre champion qui disposerait de sa base fidèle de supporters((Trump pour l’élection de cette année, mais généralement les candidats Républicains)) de prendre de l’avance. Et comme the winner take it all, autant les voix pour le champion perdant que les voix pour les outsiders iront au vainqueur.

Est-ce juste ou démocratique ? Peut-être pas. Est-ce une raison de voter pour un champion que l’on ne porte pas particulièrement dans son cœur uniquement afin de stopper l’autre que l’on porte encore moins dans son cœur ? Cela dépend de la manière dont chacun perçoit sa responsabilité de citoyen. Remarquons cependant que 2016 n’est peut-être pas la meilleure élection pour faire avancer les choses par protestation.

Swing states

Si vous avez suivi mes longues explications jusqu’ici, vous aurez remarqué qu’à cause de la règle du « Winner takes it all » et des États-bastions, chaque candidat est naturellement et par avance, vainqueur de certains États et ainsi d’un certain nombre de voix. Et vous aurez raison.

Le système actuel veut que, naturellement et en dehors de toute considération pour les candidats, les Démocrates soient crédités de près de 160 votes et les Républicains de 150. Ces votes proviennent d’États où l’écart des grands électeurs entre les deux partis est supérieur à 10, écart théoriquement impossible à rattraper.

En conséquence, l’élection se joue non pas vraiment dans l’ensemble des États-Unis, mais dans ce qu’on appelle les « Swing states » ou encore « battleground states » ou encore « purple states » (( parce que rouge + bleu = violet)). Ce sont les États où ne dominent à priori aucun des grands partis, l’écart des grands électeurs étant trop faible et l’État ayant par le passé élu les candidats de l’un ou l’autre des grands partis. Dans ces États, chacun des candidats a une chance raisonnable d’arriver en tête des suffrages et ainsi de remporter la totalité du collège électoral.

Les swing-states ne sont jamais tout à fait les mêmes et peuvent changer au cours des élections.

Conséquemment, parce qu’une élection coûte cher et que c’est un peu inutile de dépenser de l’argent dans des lieux qui nous sont déjà acquis, les campagnes et le gros de la sensibilisation se concentrent dans ces swing states.

 

Swing states

 

Swing States: States That Can Decide the 2016 Presidential Election. Merci Yahoo((https://www.yahoo.com/news/swing-states-states-decide-2016-214642656.html?ref=gs ))

 

swing states

Swing States To Watch In The 2016 Election. Merci Potus2016.org ((http://potus2016.org/wp-content/uploads/2015/06/swing-states-20161.jpg. ))

Vous remarquerez que ce ne sont pas les mêmes États alors qu’il s’agit de la même élection. C’est normal, c’est souvent laissé à l’avis des analystes. Certains États sont cependant notoirement connus pour être des Swing states permanents, et à suivre de très très près. C’est le cas de ceux qui disposent d’un grand nombre de grands électeurs comme la Floride et l’Ohio. La Floride a été, par exemple, l’État décisif pour l’élection de Bush contre Al Gore en 2000.

Considérations finales

Avec un total de 538 grands électeurs, un candidat doit en obtenir 270 pour être élu((269 qui représentent la moitié +1)). Historiquement, même si chaque parti a ses grands électeurs acquis à sa cause, il y a au moins 130 grands électeurs où le combat se joue à un écart inférieur à 5%. Quand bien même les Républicains partent en légère infériorité, l’écart se rattrape rapidement du fait que lorsqu’un État est conquis, les grands électeurs de l’un lui sont soustraits et rajoutés au décompte de l’autre.

 

Voilà ! Vous êtes maintenant prêt à affronter – et entièrement apprécier – les élections américaines. Et que je n’entende plus dire « mais ils n’ont qu’à choisir un autre candidat bon sang ! » avec un air suffisant ! De telles bêtises alors que Trump est sur l’un des plateaux de la balance témoignent soit d’une totale méconnaissance des règles électorales américaines soit d’une envie irrépressible de voir arriver la fin du monde.

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