Constituer sa société à Madagascar : les premières notions

Suite de l'article "Constituer sa société à Madagascar : Préambule", voici les notions que vous devez connaître afin de pouvoir constituer de manière éclairée votre société.

Cet article est une republication de l’article original publié sur la version antérieure de Lexxika.com.
Il n’est donc plus d’actualité, mais vous pouvez y trouver des réflexions et des points de Droits qui restent encore valides et pertinents.

Cet article est la suite de “Constituer sa société à Madagascar : Préambule”. Si vous estimez que je rentre trop abruptement dans le vif du sujet tel le marin venant de passer une année en haute mer, je vous propose de lire ou relire le préambule qui sert également d’introduction pour l’ensemble des mémentos à venir et que vous retrouverez ici. Maintenant, place au droit!

Voici les notions que vous devez au moins connaître afin de pouvoir constituer de manière éclairée((à la bougie à défaut d’une bonne ampoule uniquement apportée par un conseil personnalisé)) votre société.

I – La responsabilité des dettes sociales

C’est l’une des principales raisons de tout le charabia sur le droit des sociétés. Cela se traduit grossièrement par : si votre projet est un échec, jusqu’où allez vous payer ?

  • Allez-vous choisir de ne miser que la somme que vous avez investie au départ ? Auquel cas, si vous avez décidé par exemple d’investir 2 millions Ar dans l’industrie du vary amin’anana, en cas d’échec, vous aurez uniquement perdu ces 2 millions Ar d’investissements. En terme juridique, cela se rapporte à la « responsabilité des dettes sociales jusqu’à concurrence de leurs apports » qui sont inhérents aux SARL((société à responsabilité limitée)) et aux SA((société anonyme)).
  • Ou bien allez-vous choisir les formes de sociétés qui, en cas d’échec, engagent également votre voiture, votre maison, votre chien et votre conjoint ? Il s’agit ici de la « responsabilité indéfinie et solidaire des dettes sociales » qui sont l’apanage des SNC((société en nom collectif)) et des SCS((société en commandite simple)).

Précisons 2 notions juridiques spécifiques sur ce dernier point :

  • « indéfinie » signifie que si la société a une dette de 50 millions Ar envers un fournisseur, les associés vont devoir rembourser de cet argent quitte à vendre leurs maisons, leurs voitures, etc. jusqu’à ce que la dette soit intégralement payée. S’ils ne trouvent pas la force de vendre leurs affaires, c’est l’État, par l’intermédiaire d’auxiliaires de justice, qui va s’en occuper.
  • « Solidaire » signifie que si la société qui comporte 2 associés a une dette de 50 millions Ar envers un fournisseur, ce n’est pas en payant la moitié, soit 25 millions, que l’un va pouvoir dormir sur ses deux oreilles. En effet, si l’autre associé se trouvait incapable de payer sa part des 50 millions, l’un DEVRA avancer cette part et donc payer la totalité des 50 millions aux créanciers. À lui par la suite de se débrouiller pour récupérer les 25 millions auprès de son associé.

En bon chef d’entreprise que vous êtes, vous aurez compris qu’il vaille mieux, du point de vue du droit des sociétés((ATTENTION, il s’agit uniquement du pur point de vue du droit des sociétés. Il peut être nécessaire de prendre en compte la fiscalité dans l’équation)), miser le plus sûrement possible et limiter sa responsabilité. Les solutions de la SARL ou de la SA sont donc les premières à envisager. Mais elles ont quelques exigences que nous découvrirons par la suite.

Rappelez-vous également que la SNC est la forme que la loi reconnaît aux « sociétés de fait ». Ainsi, tous ceux qui ne sont pas régulièrement immatriculés auprès du RCS engagent l’intégralité de leur patrimoine((terme juridique pour dire : sa maison, sa voiture, son ordinateur, sa collection d’allumettes)) sans le savoir. Montrer la paume de la main à l’administration a parfois du bon.

II – Capital social et parts sociales

A – Le capital social

Le capital social, « capital » pour les intimes, est, au moment de la constitution de la société, l’ensemble des apports((les investissements si vous préférez)) des associés en numéraire((le pognon)) et en nature((les biens que la société utilisera tels que les locaux, les machines, les voitures, etc.)). Il existe également un dernier type d’apport appelé « apport en industrie » qui est la mise à disposition du talent particulier de l’un des associés. Cependant celui-ci, étant impossible à chiffrer de manière objective, n’est pas pris en compte dans la détermination du capital social. Toutefois, les associés qui reconnaissent l’intérêt de ce talent pour l’activité de la société peuvent décider de rétribuer l’apporteur en industrie par des parts sociales spécifiques((qui n’entrent pas dans la détermination du capital social)).

Capital social et capitaux propres : faux jumeaux !

On croit volontiers que le capital social sert à déterminer la valeur de la société. Après tout, le bon sens comprend qu’une société à 100 millions Ar est définitivement plus importante qu’une société à 2 millions Ar. Or, si ce n’est pas entièrement faux, ce n’est pas particulièrement justifié. Tout d’abord, ce n’est pas un indicateur de l’activité de la société. C’est un chiffre qui va rester, pour la plupart du temps, immobile sur le bilan((document comptable que vous découvrirez par la suite)) car elle n’a vocation à changer que si les associés veulent « miser plus ou miser moins »((augmentation ou réduction de capital)). Il s’agit tout simplement d’une indication précaire des sommes que les associés ont investies dans la société((« précaire », car ils peuvent « investir » dans la société par d’autres moyens comptables comme « l’apport en compte courant » qui est un prêt des associés à la société)). L’indice que vous recherchez et qui présente un nom similaire, c’est les « capitaux propres ».

Les capitaux propres, appelés également « fonds propres » sont, en comptabilité, la somme((mathématique, elle peut donc comporter des déductions)) du capital social, des réserves, du report à nouveau et du résultat de l’exercice.

 Capitaux propres = capital social + réserves + report à nouveau + résultat de l’exercice.

Pour simplifier, il s’agit du capital social rajouté((ou déduit)) de tout ce que la société a gagné((ou perdu)) depuis le début de son activité et qui n’a pas encore été distribué aux associés.

Si vous voulez absolument rechercher un premier indice, ce serait celui-là. Sachez cependant qu’avec ces chiffres seuls, vous ne pouvez pas encore avoir une idée réelle de la santé de l’entreprise. Par exemple, une société déficitaire depuis plusieurs exercices peut survivre et présenter un bilan positif grâce à l’apport permanent((dans le capital social donc)) en capitaux des associés. Ainsi, même si les résultats de l’exercice devaient être déficitaires, un capital social augmenté peut maintenir constant le niveau des capitaux propres. Logique mon cher Watson. Si vous vous interrogez sur l’intérêt de maintenir une société qui se meurt, la réponse est simple et très humaine : il est difficile de regarder son bébé mourir sous yeux sans rien tenter, fut-ce t-il un bébé fait de temps et d’argent. Sinon reste toujours l’explication de l’optimisation fiscale. Mais cette réponse n’est ni simple ni humaine.

B – Les parts sociales

Si le capital social est la somme des apports des associés, les parts sociales sont les représentations de ces apports au capital. On peut également considérer les parts sociales comme la contrepartie donnée par la société aux associés pour leurs apports. Trop compliqué ? Prenons un exemple.

Exemple explicatif : Rakoto & Rasoa

Rasoa et Rakoto apportent chacun 5 millions Ar en numéraire((en pognon)) dans leurs SARL. Rakoto et Rasoa ont donc apporté chacun 50% du capital social et le capital sera de 10 millions Ar. Le droit des sociétés, sauf dispositions contraires((réservés aux SA)), permet aux associés de diviser à leur convenance le capital social. Ainsi, caricaturalement, Rakoto et Rasoa peuvent décider d’avoir chacun :

  • 5 millions de parts sociales d’une valeur de 1 Ar la part sociale,
  • ou encore 1 part sociale d’une valeur de 5 millions Ar la part sociale.

En pratique, le bon sens veut que l’on divise le capital en un nombre raisonnable de parts sociales d’une valeur unitaire((appelée valeur « nominale » dans le langage juridique frimeur)) raisonnable. C’est plus facile en cas de cession des parts sociales. Imaginez que vous souhaitez ardemment quitter la société et qu’il vous faille trouver un gogo investisseur qui soit prêt à payer 5 millions Ar pour votre unique part sociale. Ce sera compliqué. Alors que dans le premier exemple, rien((sous conditions)) ne vous empêche de trouver plutôt 3 gogos investisseurs qui vont acheter :

  • le premier 2 millions de parts sociales,
  • le second 2.5 millions de parts sociales,
  • le troisième 500 000 parts sociales.

Toutefois, fixer la part sociale à 1 Ar pièce n’est pas très sage non plus. Très récemment encore((jusqu’à l’adoption du décret 2011-050 renforcée par la loi 2014-010 modificative de la loi sur les sociétés commerciales)), la valeur nominale((dans le langage non juridique frimeur : « valeur unitaire »)) d’une part sociale de SARL était nécessairement de 20 000 Ar. Ainsi, Rakoto et Rasoa, pour leurs apports de 5 millions Ar chacun, auraient reçu :

  • 250 parts sociales chacun, d’une valeur nominale de 20 000 Ar.

La société aurait donc disposé d’un capital de 10 millions Ar divisé en 500 parts sociales réparties à :

  • 250 parts sociales pour Rakoto,
  • 250 parts sociales pour Rasoa.

Vu que la disposition a été abrogée, vous n’êtes plus tenu d’appliquer les 20 000 Ar de valeur nominale, mais vous avez une idée de ce qui se fait en pratique.

III – Les formes juridiques à envisager pour votre projet.

Avant de commencer les formalités, il y a un choix important à faire pour votre entreprise : sa « forme ». Peu importe la teneur du projet : restaurant, commerce, épicerie ou prestataire de services, une société dispose d’une « forme sociale » qui va classer la société dans une case connue qui servira de repère à tout le monde, de votre conseil jusqu’au juge en passant par les associés. Ce sont les fameux SARL, SA et compagnie. Ainsi, rien n’empêche un stand de mofo gasy à Analamahitsy de prendre la forme d’une SA avec son fameux Président Directeur Général (PDG) ou une industrie aéronautique sise Tanjobato employant 2000 personnes de prendre la forme d’une SARL avec son non moins fameux gérant.

Ce qu’il faut savoir, c’est que selon la forme de l’entreprise, la loi va imposer aux associés des obligations et droits qui sont inévitables. Ces dispositions particulières vont, par exemple, exiger de respecter une formalité plus contraignante aux associés qui souhaiteraient se retirer du projet ou encore un capital minimum avant de pouvoir former la société.

Voici les 4 formes de société commerciales reconnues sur le territoire malgache et, vraisemblablement, ceux qui sont le plus à même d’intéresser votre projet. Cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas d’autres formes de société. Vous en retrouverez notamment au cours de vos lectures sur internet((pour les petits curieux, je fais référence, par exemple, à la SAS française ou au Ltd. anglo-saxonnes)). Cela veut par contre dire que le droit malgache ne les reconnaît pas et, par conséquent, ils n’existent pas … ou pour être précis, le droit malgache les traitera comme des sociétés de faits, soit((si vous avez bien suivi)) comme une SNC.

A – La SARL ou société à responsabilité limitée

L’article 325 de la loi sur les sociétés commerciales dispose que :

« La société à responsabilité limitée est une société dans laquelle les associés ne sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et dont les droits sont représentés par des parts sociales. Elle peut être constituée par une seule personne physique ou morale, ou entre deux ou plusieurs personnes physiques ou morales ».

Depuis un décret de 2011((Décret n° 2011-050 du 1er février 2011 modifiant les dispositions du décret n° 2004-453 du 6 avril 2004 fixant les conditions d’application de la loi n°2003-036)), renforcée par une loi de 2014((Loi n° 2014-010 du 21 août 2014 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n° 2003-036 du 30 janvier 2004 sur les sociétés commerciales, dont l’article 327)), la SARL n’est plus tenue par une quelconque exigence minimale quant à son capital social et la valeur nominale de ses parts sociales.

Si le capital social de la SARL dépasse 20 millions Ar ou si votre chiffre annuel est supérieur à 200 millions Ar ou encore si vous employez en permanence plus de 50 personnes, vous devriez procéder à la désignation d’un commissaire aux comptes((Décret n° 2005-151 du 22 mars 2005)), notion que je vous invite à connaître auprès de votre conseil juridique, car vu la taille de votre société, vous ne devriez vraiment pas vous référer à ce guide.

B – La SA ou société anonyme

L’article 407 de la loi sur les sociétés commerciales dispose que :

« La société anonyme est une société dans laquelle les actionnaires ne sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et dont les droits des actionnaires sont représentés par des actions. La SA peut ne comprendre qu’un seul actionnaire. »

Les actions, pour faire une comparaison un peu simpliste, sont les « parts sociales » des sociétés anonymes((et plus généralement de la famille des « sociétés par actions » dont font partie les sociétés anonymes, mais qui comprend également les « sociétés en commandite par actions (SCA) » et les « sociétés par actions simplifiées (SAS) » qui n’existent pas à Madagascar)). Dans la pratique, leur spécificité réside dans leur mode de cession((la vente et l’achat)), ainsi que la possibilité de les vendre en bourse((du fait, justement, de leur mode de cession)), ce qui n’est pas le cas des parts sociales.

Le décret de 2005((Décret n° 2005-151 du 22 mars 2005)) dans son article 27 dispose des exigences minimales suivantes :

  • Le capital social de la SA est au moins de 10 millions Ar pour une société pluripersonnelle((langage juridique frimeur pour dire « qui comprends plusieurs associés »)) et de 2 millions Ar pour une société unipersonnelle((langage juridique frimeur pour dire « qui ne comprends qu’un seul associé »)).
  • La valeur nominale de l’action est de 20 000 Ar.

C – La société en nom collectif

L’article 285 de la loi devinez donc lequel, dispose que :

« La société en nom collectif est celle dans laquelle tous les associés sont commerçants et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales ».

Ses spécificités, toujours suivant les dispositions de la loi que vous connaissez déjà, sont les suivantes :

  • Le capital social est divisé en parts sociales de même valeur nominale((Article 288)).
  • Les parts sociales ne peuvent être cédées qu’avec le consentement unanime des associés((Article 289)).
  • À défaut d’unanimité, la cession ne peut avoir lieu, mais les statuts peuvent aménager une procédure de rachat pour permettre le retrait de l’associé cédant((Article 289))

D – La société en commandite simple 

Aux termes de l’article 308 de la loi qui n’est plus à présenter :

La société en commandite simple est la société dans laquelle coexistent :

1 – un ou plusieurs associés indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales dénommés « associés commandités »((sur le principe de la SNC donc)),

AVEC

2 – un ou plusieurs associés responsables des dettes sociales dans la limite de leurs apports dénommés « associés commanditaires » ou « associés en commandite »((sur le principe de la SARL et de la SA donc)),

et dont le capital est divisé en parts sociales.

Autres caractéristiques suivant les dispositions de la loi que… je n’ai plus d’idée pour éviter de la dénommer:

  • Le nom d’un associé commanditaire ne doit absolument pas être incorporé dans la dénomination sociale, autrement, il deviendra un associé commandité ((Article 309)).
  • Les parts sociales ne peuvent être cédées qu’avec le consentement unanime des associés SAUF clauses contraires expressément énumérées par l’article 311 et stipulées dans les statuts.

Bien entendu, les spécificités mentionnées précédemment pour chaque forme de société ne sont pas les seules en vigueur. Pour la liste exhaustive, je vous conseille de vous référer à la loi sur les sociétés commerciales. Toutefois, vous devriez maintenant avoir une idée globale de la forme qui correspond le mieux à votre projet avec ces quelques informations.

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